L’enfer ne peut pas exister, puisque Dieu est amour ! Il ferait mieux de ne pas permettre à l’homme de pécher, pour qu’il n’y ait pas d’enfer…
Etudiant, 20 ans
L’existence de l’enfer pose, il est vrai, une difficulté qu’il convient de ne pas prendre à la légère : comment concilier l’amour miséricordieux de Dieu et sa justice ?
Je crois qu’il y a deux objections principales qui se cachent derrière cette question. La première est l’apparente contradiction entre la Bonté de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés, et l’existence de l’enfer. Où est la fidélité de Dieu, qui avait promis un Sauveur et qui semble abandonner – ne serait-ce qu’une seule personne – à une éternité de souffrance ?
Ensuite, il semble que l’enfer signe l’échec du projet de Dieu, qui se voulait une œuvre d’amour : comment admettre qu’au terme de l’histoire, subsiste un lieu de haine et de souffrance, une sorte de poubelle de l’histoire ? Et Dieu dans tout ça, ne souffrirait-il pas de voir des créatures qu’il a voulu et aimé s’éloigner de Lui pour toujours ?
Pour résoudre cette difficulté, demandons son avis à Dieu (qui est ici le premier concerné). Dieu crée l’homme directement, comme le fruit d’un acte concret de son amour, à « son image » et à « sa ressemblance » (Genèse, 1, 27), c’est-à-dire capable de le connaître et de l’aimer librement, et en vue de cette amitié, à l’issue de notre vie. L’amour de Dieu est donc présent tant au début de la vie de l’homme qu’à son terme. Loin de se contenter de ce simple projet, Dieu appelle ensuite l’homme à une Alliance, qui requiert un engagement mutuel. Le choix que Dieu propose à l’homme est le suivant : le choisir, lui, source de bénédiction et de vie, ou le refuser, c’est-à-dire choisir la malédiction et la mort. Toute l’histoire du salut se retrouve ici.
Etonnement, c’est le Christ, celui qui s’est fait homme pour réconcilier le monde avec son Père, qui a le plus parlé de l’enfer, cette « géhenne de feu » (Matthieu, 18, 9). Là aussi, les images et les avertissements de Jésus sont nombreux : « Si ton œil droit peut causer ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne » (Matthieu, 5, 29). Et lorsqu’il parle de ceux qui ont fait du mal aux plus faibles : « Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous ceux qui ont commis des scandales et ceux qui ont fait le mal ; ils les jetteront dans la fournaise ardente, ou il y a des pleurs et des grincements de dents » (Matthieu, 13, 41).
Pourquoi une telle insistance de la part du Christ quant à la vie future, et surtout quant au salaire du péché ? Il veut montrer à l’homme la gravité du péché, du refus ou du mépris de Dieu. Il y a du définitif dans nos choix et dans notre vie. C’est extraordinaire, mais également terrifiant. Extraordinaire parce que cela nous montre que Dieu a voulu créer un être libre capable de choix, ayant une valeur d’éternité. Il n’a pas voulu créer des assistés, des robots obligés à l’aimer. Mais ce qui peut paraître terrifiant, c’est que la manière dont nous agissons au cours de notre vie a des conséquences irrévocables. Ce définitif, ces conséquences irrévocables correspondent à nos actes. Si l’homme peut au terme de sa vie se fixer dans une éternité d’amour par un dernier acte d’amour de Dieu, il peut, hélas, la fixer dans une éternité de malheur, lorsqu’il refuse l’amour que Dieu lui donne au moment ultime de son existence. Il se fixe alors dans l’aversion de Dieu, dans la haine, et se condamne ainsi lui-même à une peine éternelle.
L’enfer, expression de la justice divine, est donc d’une certaine façon la reconnaissance de notre liberté, de nos responsabilités : si nos actes graves, posés en toute connaissance et pleine conscience, ne méritaient pas une peine proportionnée, alors Dieu ne nous prendrait pas au sérieux. C’est donc une preuve supplémentaire de l’amour de Dieu, comme un père qui aime son enfant veut que celui-ci devienne adulte et assume ses choix.